‘To bee or not to bee’: les pollinisateurs dans les villes

Au cours des 20 dernières années, les abeilles et autres insectes sont devenus plus populaires dans les villes. La prise de conscience sur la crise socio écologique mondiale s’est également accompagnée d’une reconnaissance des services écosystémiques essentiels des pollinisateurs; c’est-à-dire de leurs tâches pour l’équilibre des écosystèmes et notre production alimentaire. Si les plantes n’étaient pas pollinisées – par les abeilles, les papillons, les coléoptères… mais aussi par des oiseaux, des chauves-souris et d’autres petits mammifères – les économies agricoles, notre approvisionnement alimentaire et les paysages environnants s’effondreraient. Au sein de l’Union européenne, par exemple, plus des trois quarts de ce qui est cultivé dépend des pollinisateurs. Cependant, la perte de biodiversité et l’effondrement des écosystèmes sont l’un des risques mondiaux les plus graves causés par l’activité humaine. Ce qui signifie que nous endommageons simultanément les systèmes écologiques et ceux – les pollinisateurs naturels – dont le travail est de les préserver. En effet, une espèce d’abeilles, de papillons et de syrphes sur trois disparaît sous les effets de l’agriculture intensive et de l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques, de la pollution et du changement climatique.

Différents niveaux d’action sont possibles face au dangereux déclin des pollinisateurs. Par exemple, à l’heure actuelle, une proposition de législation est sur la table dans l’UE avec des règles plus strictes pour les États membres afin de réduire l’utilisation de pesticides chimiques de 50 % d’ici 2030. Localement, les municipalités peuvent utiliser leur propre sol pour préserver et recréer des conditions favorables aux écosystèmes et maintenir la diversité biologique. Par exemple, en renonçant aux pesticides chimiques sur leur territoire (comme Montréal, première municipalité canadienne à interdire le glyphosate en 2021, entre autres), en soutenant l’agriculture biologique urbaine, et en prévoyant des infrastructures vertes, comme des espaces verts convertis (dont des bords de route) dans des prairies et des terres fleuries gérées sans produits chimiques. Les gouvernements locaux peuvent également piloter la collaboration entre services de proximité, entreprises, associations communautaires, citoyens et d’autres acteurs pour un travail territorial commun au profit des pollinisateurs. En ce sens, l’ONG suédoise de préservation de la nature Naturskyddsföreningen a publié son troisième rapport annuel sur les municipalités les plus ‘‘bee-friendly’. Sur plus de 200 participants, Sollentuna – une ville de 76 000 habitants dans le comté de Stockholm – a de nouveau été déclarée gagnante. Une perspective plus large semble orienter les travaux de la municipalité dans ce domaine : « Un paysage qui favorise les pollinisateurs (…) est fonctionnel pour de nombreux autres groupes d’organismes. (…) Il donne des expériences de haute qualité dans la nature pour nos résidents. (Il y a un) Lien fort avec les services écosystémiques ». Toujours sous l’idée que les villes peuvent devenir des champions pour les pollinisateurs, Bee City Canada, un programme de l’organisme Pollinator Partnership Canada, favorise un réseau d’expertise municipale et des Premières Nations en matière de conservation des pollinisateurs. 

Mais attention au « sur-abeillage»! Longtemps applaudies, les initiatives visant à installer des ruches en ville et en campagne, font aujourd’hui polémique. Alors que les ruches urbaines ou les hôtels à insectes ont des impacts de sensibilisation publique et sont faciles à mettre en place, leur excès peut amener les abeilles domestiques à entrer en concurrence avec les pollinisateurs sauvages. Ainsi, plutôt que de se focaliser sur une seule espèce, il faut comprendre tous les pollinisateurs et leur offrir des habitats favorables. Et c’est ça la partie plus difficile, car cela implique de grandes transformations dans nos manières de vivre, comme en nos modes de production – voir l’agroécologie-, ou dans l’utilisation de nos terres – voir par exemple laisser dans les villes, malgré la forte pression foncière, des aires «sauvages» en libre évolution au lieu de comme des espaces ‘en attente d’urbanisation’.