‘Power to the People’: Investissements inclusifs dans les services essentiels aux États-Unis

La théorie est bien connue : nous devons, de toute urgence, réduire notre dépendance aux combustibles fossiles. La transition vers les énergies renouvelables et la réduction de la consommation globale sont des éléments essentiels de cette transition. Pourtant, de nombreux obstacles persistent. L’un d’eux est financier (et social) : les systèmes d’énergie renouvelable sont gourmands en capital, et l’investissement initial reste un facteur d’exclusion important. Dans les zones urbaines et rurales, des études ont mis en évidence une « fracture de l’énergie propre», les communautés les plus aisées et les plus blanches étant plus susceptibles d’accéder aux avantages des énergies renouvelables, tandis que les groupes marginalisés sont confrontés à l’exclusion, voire au déplacement.

Aux États-Unis, cette fracture est façonnée par des facteurs tels que les cotes de crédit, l’accès à la propriété et l’endettement – des critères qui excluent de manière disproportionnée les communautés à faibles revenus et les personnes de couleur. À cela s’ajoute une longue histoire d’infrastructures énergétiques qui nuisent aux quartiers marginalisés. L’administration américaine actuelle n’arrange rien non plus… Clean Energy Works, une organisation à but non lucratif basée à Washington, s’attaque à ce problème en agissant comme rassembleur, conseiller technique et centre de connaissances pour ce qu’elle appelle les ‘investissements inclusifs dans les services publics’. Ce mécanisme repose sur un mécanisme financier breveté de 1999, appelé Pay As You Save® (PAYS®), qui permet aux fournisseurs d’énergie (électricité, gaz naturel, etc.) de couvrir les coûts initiaux des améliorations énergétiques (panneaux solaires, électrification des bâtiments ou transformation du parc automobile) et de les récupérer progressivement sur la facture du client (qui reste inférieure aux économies générées par les investissements). Le tarif étant lié au compteur et non à l’individu, ce dispositif ne dépend pas de l’accession à la propriété, de l’historique de crédit ou de l’endettement personnel, ce qui le rend beaucoup plus accessible aux locataires et aux ménages à faibles revenus. Outre la recherche, le conseil en conception de programmes et le développement de boîtes à outils et de guides politiques open source autour de ce modèle, Clean Energy Works apporte une autre valeur ajoutée : rassembler et accompagner les fournisseurs de services essentiels, les institutions publiques et les communautés dans l’adaptation de ce modèle afin de mettre en œuvre des solutions justes et replicables dans de nouveaux contextes. Ses programmes couvrent l’efficacité énergétique, la production solaire sur site, le stockage d’énergie et la mobilité électrique. L’organisation a par exemple offert une assistance technique à une coalition d’acteurs divers en Caroline du Nord qui a plaidé (avec succès) pour que Duke Energy, l’une des plus grandes compagnies d’électricité des États-Unis, lance un programme d’investissement inclusif début 2024. Cette initiative s’appuie sur le succès du modèle tarifaire mis au point par Roanoke Cooperative, qui, aussi avec l’aide de Clean Energy Works, a été la première de l’État à mettre en œuvre des investissements inclusifs dans les services essentiels.

Comme nous l’avons vu, l’idée d’utiliser les économies d’énergie futures pour financer des investissements n’est pas entièrement nouvelle. Des approches similaires ont été explorées, par exemple dans le cadre de logements communautaires en Irlande ou de systèmes de monnaies complémentaires qui récompensent l’efficacité énergétique (et parfois, la sobriété). Continuons à explorer comment cette idée peut contribuer à faire de la transition énergétique une réalité – appliquée à l’échelle des services essentiels ainsi que dans différents secteurs et/ou contextes culturels, juridiques et sociaux.

Crédit image : Clean Energy Works