'Living Labs' urbains pour la résilience côtière : le cas de Sligo en Irlande
Il y a peut-être une dizaine d'années, j'ai entendu parler pour la première fois de l'élévation du niveau de la mer comme d'un signal d'alerte sérieux. Je dois avouer qu'à l'époque, quelques centimètres par an ne me semblaient pas 'si' inquiétants. Aujourd'hui, je comprends beaucoup mieux les dangers — et dans bien des cas, les effets déjà présents — du changement climatique sur les zones côtières. L'élévation du niveau de la mer, par exemple, augmente le risque d'inondations par eau salée et endommage les infrastructures et écosystèmes côtiers. Mais il y a aussi l'érosion du littoral, et des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes.
Les solutions basées sur la nature — comme les jardins de pluie, les toitures végétalisées ou les mangroves côtières — gagnent du terrain pour la gestion de l'eau et l'adaptation au climat dans ces zones. En Europe, des 'living labs' côtiers (CCLL pour Coastal City Living Labs) testent ces approches, en associant science et participation citoyenne pour développer des réponses durables et résilientes. Un CCLL, si vous vous posez la question, pourrait se définir comme un 'sandbox', dédié aux villes littorales, pour la résilience climatique: citoyens, chercheurs et collectivités y expérimentent ensemble des mesures d'adaptation fondées sur les écosystèmes (EbA), et des technologies comme les capteurs à bas coût ou les jumeaux numériques (ou 'digital twins' en anglais). Dix villes pilotes, de Barcelone sur la Méditerranée à Oulu au nord de la mer Baltique, utilisent ces laboratoires vivants pour co-concevoir des systèmes d'alerte précoce, adapter leurs infrastructures et partager leurs apprentissages.
L'un de ces pilotes se situe sur la côte nord-ouest escarpée de l'Irlande, dans la ville de Sligo, qui — malgré ses 20 000 habitants — est un centre régional important sur les plans historique, culturel (W.B. Yeats, ça vous dit quelque chose ?), industriel et de services. Les projections climatiques pour Sligo et sa région annoncent une élévation du niveau de la mer pouvant atteindre 1 mètre d'ici 2100, et des tempêtes plus violentes. Entre-temps, l'érosion a déjà affecté des sites antiques, et plusieurs lieux patrimoniaux ont dû fermer après des inondations répétées. Face à cela, le CCLL de Sligo, porté par l'Université Technologique de l'Atlantique, se concentre sur trois zones vulnérables : Streedagh Beach, Dunmoran Strand et Enniscrone. Pour surveiller le niveau de la mer et l'érosion côtière, le laboratoire a developpé des capteurs à bas coût — souvent posés par des habitants à l'aide d'outils simples comme des cerfs-volants et des smartphones — afin de suivre en temps réel les changements du littoral et les dégâts causés par les tempêtes. Le modèle d'onde de tempête de Sligo, également développé par le lab, alimente un «digital twin» du territoire : une simulation 3D qui permet de tester différents scénarios climatiques et d'appuyer la planification à long terme. Le CCLL de Sligo a aussi produit des recommandations politiques incitant le conseil du comté à intégrer les résultats du laboratoire dans ses stratégies climatiques, tout en soulignant l'intérêt des EbA comme la reforestation ou la restauration des tourbières dans le contexte local.
Et si vous souhaitez en savoir plus sur les risques et les réponses dans les villes côtières du monde entier, jetez un œil à la carte SEA'TIES de la Plateforme Océan & Climat. Elle présente des exemples concrets de villes qui apprennent à vivre avec la montée des eaux — car oui, ces quelques centimètres «de rien»… comptent.
Crédit image : https://ocean-climate.org/