Le « dernier kilomètre » reliant Malmö à Montréal

Plus tôt cet été, nous avons parlé de ce que l’on appelle en logistique urbaine le « dernier kilomètre », le dernier tronçon du transport de marchandises. Nous avons vu comment vos achats en ligne (et ceux de milliers ou millions de vos voisins) ont eu des effets environnementaux et sociaux désastreux : de l’augmentation fulgurante des émissions de carbone liées au trafic, à des conditions de travail encore plus précaires dans la «gig economy» de la culture de livraison.

Ceci n’est plus du nouveau et les villes expérimentent avec des solutions pour prévenir, atténuer ou simplement répondre d’urgence à une situation déjà chaotique. Concernant ce dernier point, voir le projet pilote que la ville de New York a mis en œuvre cet été pour tester l’installation rapide de 20 zones de chargement – des microhubs – pour répondre aux demandes du commerce électronique et, espérons-le, encourager le déplacement des livraisons des camions vers des véhicules plus petits, comme les vélos cargo, diables et fourgons électriques. Pour avoir une meilleure idée de la situation : New York compte près de 9 millions d’habitants et plus de 80 % d’entre eux reçoivent au moins un colis par semaine (alors que pour 18 % c’est au moins quatre fois plus!), et la plupart de ces marchandises sont déplacées dans et autour de la ville en camion. D’autres villes ne sont pas (encore, si rien n’est fait) dans cette situation et ont donc la possibilité d’agir de manière plus proactive pour parvenir à une durabilité à long terme. C’est-à-dire, en mettant en œuvre des mesures non seulement pour des livraisons de commerce électronique plus durables, mais aussi pour empêcher avec des mesures parallèles (soutien à l’économie locale, changements de comportement…) les volumes de transport de marchandises insoutenables auxquels New York est confrontée.

C’est le cas de Malmö et de Montréal qui, sous un appel de Vinnova (l’agence suédoise de l’innovation), ont réuni un groupe mixte de quatre organisations des secteurs public, privé et coopératif pour échanger autour d’une livraison du dernier kilomètre neutre en carbone et durable. Outre les aspects techniques de la mise en œuvre de pôles logistiques urbains multi-acteurs, il existe un intérêt supplémentaire pour les avantages potentiels d’inclure des entreprises d’économie sociale et des coopératives parmi les acteurs de la logistique urbaine, afin d’intégrer plus clairement les aspects sociaux et environnementaux dans le processus. La semaine dernière un participant au projet, la coopérative de coursiers à vélo Alternativa Kuriren de Malmö, a participé à une visite de terrain à Montréal. En effet, depuis 2019 la ville expérimente déjà avec le Projet Colibri la mise en place de mini hubs entre transporteurs privés, coopératives locales de livraison et le gouvernement local, pour diminuer la circulation des camions dans la ville. Un facteur différentiel de cette expérience est que, bien qu’elle ait été initiée par le gouvernement local, un troisième acteur, la Coop Carbone, une coopérative de solidarité également participante au projet Malmö-Montréal, est nommée coordonnatrice du Projet Colibri. Les mini-hubs suivant un tel modèle de fonctionnement mixte auraient le potentiel de générer les externalités les plus positives, en facilitant une collaboration harmonieuse entre les différents acteurs du site logistique et en évitant une « cannibalisation » des emplacements stratégiques par des acteurs privés qui pourraient agir de manière isolée. Avec un premier hub situé dans le site très central de l’ancienne gare routière de Berri-UQAM, un deuxième hub du Projet Colibri – Iberville – a été inauguré l’automne dernier et comprend des bornes de recharge partagées pour les entreprises de livraison participantes. Selon les mesures de performances du projet, 5 vélos cargo et 1 micro-van remplaceraient 6 camions de livraison!

Alors que les échanges Malmö-Montréal touchent bientôt à leur fin, les participants discutent de la possibilité de développer une solution mutuellement avantageuse pour relever les défis de la livraison du dernier kilomètre. Les options sont larges : de l’utilisation de la technologie pour développer des options logistiques décarbonées, à l’impact sur la dynamique de production et de consommation en faveur de la localisation économique.