La commodité sans limite des «dark stores»

Nous préférons généralement parler de solutions positives dans ce média, mais cet excellent article (bien que quelque peu sombre) de Lev Kushner et Greg Lindsay du CityLab  Bloomberg vaut vraiment la peine, car il expose un besoin flagrant d’une gouvernance des villes proactive et tournée vers l’avenir.

Au cours de l’année 2021, les villes américaines et européennes ont connu une augmentation flagrante du nombre de dark stores, des mini-entrepôts remplis de produits d’épicerie à livrer en 15 minutes ou moins. Exploités par des start-ups bien financées telles que Getir, Gopuff, Jokr et Gorillas, les dark stores dévorent tranquillement les espaces de vente au détail, les transformant en centres de distribution fermés au public et au personnel réduit.

Comme ils l’expliquent, cette vision peut être considérée comme une interprétation à l’opposé du concept de “la ville en 15 minutes”. Alors que l’original vise à créer un quartier vivant avec des rues piétonnes et des commerces de proximité, cette dernière «vision» utilise les espaces commerciaux vides de la pandémie et les transforme en entrepôt distribué sans âme, conçu pour répondre à notre «besoin» sans limite de commodité.

C’est exactement cette commodité obsessive qui menace de transformer les centres-villes en villes sombres. Les commerces locaux qui permettent aux rues d’avoir une certaine vitalité se sont évaporés et ont été reconstitués sur une application.

À l’instar d’Uber, d’AirBnb et même de d’Amazon Prime, ce phénomène est encore un exemple d’applications et de services entièrement axés sur les envies personnelles d’instantanéité. Au détriment du bien-être collectif et des villes qui sont des lieux de vie actifs et dynamiques, et non des dortoirs sillonnés par des travailleurs indépendants livrant des colis.

Il est clair que, comme pour la crise climatique, on ne peut pas compter sur les choix personnels pour contrôler le phénomène – surtout lorsque les choix personnels sont faits dans un cadre de vie soumis à la pression de la productivité – des décisions collectives doivent être prises.

Les villes doivent délimiter la frontière de plus en plus floue entre les avant-postes de livraison insidieux et le commerce traditionnel des épiceries. […]

La demande de commodité est apparemment sans limite. Les villes n’ont pas encore trouvé le moyen d’équilibrer les avantages immédiats du confort personnel et les dégâts à long terme de l’érosion de la vie communautaire précipitée par la diminution des interactions sociales.

Je cite abondamment leur article, mais je passe également sous silence certaines des solutions qu’ils proposent, ainsi que la mention selon laquelle «il y a certainement une place dans l’avenir urbain pour un écosystème de livraison» alors encore une fois, lisez-le, il donne matière à réfléchir.

Les collectivités doivent réfléchir sérieusement, et dès maintenant, à la manière dont les choix personnels des habitants et les entreprises qui répondent à ces demandes, peuvent transformer involontairement nos villes et nos communautés. C’est au gouvernement qu’il incombe d’équilibrer le tout.

Photo: Chris McGrath pour Getty Images Europe