Des repas scolaires récupérés… en distributeur automatique
Chaque année, un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée. Parallèlement, les chiffres inquiétants s’accumulent : perte de biodiversité, émissions du système agroalimentaire, et un “Jour du Dépassement” (Overshoot Day) qui arrive chaque année un peu plus tôt — ce jour au calendrier où l’humanité commence officiellement à vivre au-dessus de la capacité de régénération écologique de la Terre pour l’année en cours. Or, la moitié de cette « biocapacité » planétaire est consacrée à produire de la nourriture. Prendre soin de nos aliments, éviter le gaspillage, ce n’est donc pas seulement une question d’éthique ou de justice sociale (« termine ta tortilla, il y a des enfants qui ont faim » — c’est vrai —), mais aussi une stratégie très efficace pour aligner notre alimentation sur les limites planétaires.
Et si éviter le gaspillage alimentaire permet en plus de sensibiliser, d’éduquer et de renforcer le lien social, c’est encore mieux. C’est précisément ce que cherche à faire le projet Rexcatering, au Pays basque espagnol, où certaines écoles ont installé ce que l’on pourrait appeler des «distributeurs de nourriture sauvée ». Pas de snacks industriels, mais des plats complets, cuisinés le jour même dans la cantine scolaire, et qui seraient jetés s’ils ne sont pas récupérés. Toute personne au voisinage peut se servir un de ces plats, sans payer, sans inscription, directement dans la rue — comme on achèterait une boisson. Sauf qu’ici, la boisson est gratuite et remplacée par un plateau compostable, thermoscellé, avec étiquette d’allergènes. Le projet s’appuie sur des années d’expérimentation en récupération alimentaire, avec des normes sanitaires rigoureuses et une traçabilité complète, dans une logique d’économie circulaire et de justice sociale. Les élèves participent eux-mêmes à l’emballage et à la livraison des plats jusqu’aux distributeurs, renforçant ainsi une démarche pédagogique et une réappropriation du système alimentaire local.
Rexcatering est aujourd’hui déployé dans plus d’une dizaine d’écoles des provinces basques de Biscaye et de Guipuscoa. Et le modèle commence à essaimer : dans la commune rurale catalane de Bellver de Cerdanya, par exemple, l’initiative a été adaptée avec un prix symbolique de 1 € par repas. Il n’est pas difficile d’imaginer des distributeurs similaires dans des hôpitaux, des maisons de retraite ou tout équipement public doté d’une cuisine. Et si les villes commençaient à penser leur système alimentaire comme un commun, comme certaines le font déjà pour l’énergie ? Il ne s’agirait pas seulement de sauver de la nourriture, mais de repenser collectivement ses flux, ses infrastructures et sa gouvernance. Comme une communauté énergétique… mais avec de la tortilla.
Crédit image : Orioko Herri Ikastola / https://guka.eus/