Des maisons en champignons (et non, pas pour les Schtroumpfs)
Si je vous interrogeais sur les « relations entre humains et champignons », vous pourriez répondre qu’il s’agit d’un aliment que nous consommons, avec lequel nous guérissons ou que nous évitons dans les coins humides (ou sur notre corps, d’ailleurs!). Et vous auriez raison. Mais il existe une autre dimension pertinente: ces dernières années, les champignons se sont révélés être une source de matériaux de construction. L’ingrédient clé est le mycélium, ce réseau dense de filaments semblables à des racines qui constituent le corps principal d’un champignon. Le mycélium peut nourrir les forêts, relier les arbres et décomposer les déchets. Cultivé et associé à des sous-produits agricoles, il peut également former des blocs légers, durables et compostables. Les maisons faites de champignons (et pas seulement dans les villages Schtroumpfs) existent déjà depuis quelques années, bien qu’elles soient expérimentales ; voir par exemple cette installation de 2014 dans le Queens, à New York.
En Namibie, la Fondation MycoHab mène un projet pilote visant à utiliser des champignons pour relever deux défis: les matériaux de construction non durables et le problème croissant des broussailles envahissantes. Ces fouillis végétaux, résultant de décennies de surpâturage et de changements climatiques, couvrent désormais de vastes zones du pays, étouffant les terres agricoles et la biodiversité. MycoHab transforme cette biomasse en briques de construction écologiquement durables, les « mycoblocs », en collectant et en déchiquetant les broussailles envahissantes. Environ 10 kg de ce matériau sont nécessaires à la fabrication d’un de ces blocs, où les buissons déchiquetés servent de base à la croissance du mycélium. Une fois entièrement colonisés et séchés, les blocs sont légers, résistants au feu et peuvent stocker du carbone. Ils sont également rentables à la production, car leur fabrication nécessite moins de main-d’œuvre et d’eau que les briques traditionnelles.
Cependant, certains défis, comme le coût des machines ou les limitations à la mise à l’échelle, rendent les « mycoblocs » trop coûteux pour le ménage namibien moyen. C’est là le problème. La Namibie est confrontée à une crise majeure du logement, et les solutions doivent être abordables et réplicables. La majorité des Namibiens ne sont pas éligibles aux prêts immobiliers classiques, et environ 80 % de la population urbaine vit dans des quartiers informels, sans droits fonciers et avec un accès limité, voire inexistant, aux services de base. C’est là qu’intervient la Shack Dwellers Federation of Namibia (SDFN) [Fédération des Habitants de Baraques de Namibie]. Ce réseau communautaire d’épargne-logement a pour mission d’aider les populations à faibles revenus à s’organiser, à économiser et à construire leurs propres logements grâce à des partenariats et des processus communautaires.
Alors, bien que le mycélium ne résoudra pas à lui seul la crise du logement en Namibie, un modèle prometteur pourrait consister à combiner cette nouvelle technologie avec des réseaux locaux comme SDFN, qui a déjà collaboré dans le passé avec l’initiative Buy-a-brick, l’un des partenaires actuels de MycoHab. Impliquer directement les membres de SDFN dans la construction avec des « mycoblocks » pourrait par exemple contribuer à réduire les coûts et à créer des emplois. La clé d’un logement abordable, écologique et responsabilisant serait-elle donc complètement à l’image des champignons ? Connectés, régénérateurs et profondément ancrés dans le sol.
Crédit photo : ©MycoHAB