Régénératif ou régénératif?

Intelligent, vert, renouveau, durable, faible en carbone, neutre en carbone, équitable. La liste des mots et des concepts utilisés à des fins positives ou marketing et ré-utilisés à d’autres fins ne cesse de s’allonger. Ou, pour être moins cynique, sont adoptés par des groupes très différents qui ont des interprétations différentes de ces mots et concepts.

Comme mentionné dans un autre billet, le régénératif sera probablement l’un des prochains concepts à se diviser dans différentes directions. Voici deux articles sur le sujet, aux tonalités et aux méthodes différentes, mais tous deux intéressants à leur manière.

Dans 9 façons de créer une économie locale régénérative, Roar Bjonnes pour Shareable considère la régénération comme faisant partie d’une vision pour penser globalement et agir localement. D’abord en renforçant les biens communs, puis en freinant l’accumulation des richesses.

Nous devons remplacer les politiques fondées sur l’entreprise privée et l’accumulation de profits par des politiques protégeant nos biens communs – la terre, l’eau, l’énergie, ainsi qu’internet. Ces ressources naturelles, intellectuelles et scientifiques appartiennent à toute l’humanité, et pas seulement à l’élite des entreprises. […]

Un plafonnement mondial de l’accumulation des richesses est nécessaire, ainsi qu’un revenu maximum et minimum, pour équilibrer la crise mondiale des inégalités.

Ensuite, en repensant l’ensemble de l’économie «pour vivre dans les contraintes de l’environnement», et en développant une économie à trois niveaux composée de petites entreprises privées, de sociétés transformées en coopératives appartenant aux travailleurs, et en transformant les industries clés en entités publiques «gérées par des gouvernements et des conseils nationaux, régionaux et locaux sur une base sans profit ni perte, afin d’empêcher la concentration des richesses, la spéculation et l’exploitation des ressources naturelles.»

Passer d’une économie de la cupidité à une économie du besoin, car les économies locales sont beaucoup plus efficaces pour répondre aux besoins locaux en matière de logement, d’éducation, de soins de santé, d’alimentation et d’énergie.

Indépendamment de ce que chacun d’entre nous peut penser d’un tel projet, nous pouvons au moins convenir que cette vision d’un tournant vers le régénératif implique des changements optimistes, variés et massifs. Une dernière citation sur laquelle j’aimerais attirer votre attention, cet exemple de critères pour définir le «local».

Il convient également de définir les critères permettant de comprendre ce qui constitue une zone locale ou bio régionale : la langue, la culture, la géologie, les ressources, la topographie, la similarité économique et d’autres critères peuvent être pris en compte.

Dans ce deuxième article, Introducing regenerative placemaking de Tony Cho, le fondateur de Future of Cities, nous pouvons voir une vision très différente des villes régénératrices, imaginée par «une coalition de dirigeant.e.s de villes, d’expert.e.s mondiaux et de bâtisseurs communautaires co-créant des villes durables.» La vidéo en haut de l’article montre l’échelle mondiale des changements nécessaires, à peu près alignée avec le premier article ci-dessus. L’article lui-même est un peu plus terre à terre et se concentre sur l’architecture et la création de lieux.

Défini comme un processus stratégique visant à (ré)allumer la relation entre les gens et les systèmes socio-écologiques par le biais d’activations spécifiques à un lieu, le «regenerative placemaking» exploite les forces clés du développement régénératif et des pratiques de «placemaking». [Il s’agit de faire passer la création d’une ville d’une pratique largement anthropocentrique à une pratique alignée sur les systèmes vivants, grâce à laquelle les gens sont responsabilisés en tant que gardiens culturels et environnementaux.

Les recherches du groupe et la «création de lieux régénérateurs» incluent l’idée de mesurer différents facteurs, non pas pour marquer des points et rivaliser, mais pour aider au processus de développement.

La première étape consiste à comprendre que la mesure sert un processus de développement, et non un moyen de «noter» un effort. La deuxième étape consiste à faire évoluer et à adapter les mesures, car dans le cadre de la création d’un lieu régénérateur, les mesures du système, fixes et adaptables, peuvent changer au fil du temps en fonction des négociations avec les parties prenantes.

La liste des composants présentés pour guider un processus de conception et de développement mérite d’être citée dans son intégralité.

  • Une réflexion sur les systèmes vivants, employée comme moyen de comprendre les aspects socio-écologiques du lieu.
  • Un engagement rigoureux et inclusif de la part de la communauté afin de recueillir les modèles/essence du lieu, d’identifier les valeurs et les besoins du présent et du passé, et d’élaborer une stratégie permanente d’engagement au niveau de l’individu, du groupe et de l’actualisation du système.
  • Recherche et éducation transdisciplinaires, agissant comme un véhicule d’échange de connaissances.
  • L’esthétique écologique (c’est-à-dire la biophilie) et les pratiques de durabilité, qui aident les gens à visualiser un environnement de vie plus sain.
  • Les interventions régénératrices (par exemple, les parcs pop-up, les festivals), qui permettent de tester des idées de programmation et de conception pour des projets à long terme et des initiatives de planification.»

L’objectif de réunir ces deux articles dans un même billet n’est pas de dénigrer l’un et de promouvoir l’autre, mais de montrer deux contributions précieuses tout en attirant votre attention sur des formulations, des perspectives et des propositions très variées. L’un prônant un changement massif, l’autre plus mesuré et dans une optique de développement de projets. Toutes deux présentées avec le même mot, toutes deux avec un diagnostic similaire pour l’humanité sur Terre, et pourtant très différentes.