Depave à Portland, ouvrant la voie à des communautés plus vertes et résilientes

Quand j’ai commencé à porter des chaussures ‘barefoot’ il y a quelques années, je n’ai pas trop apprécié sentir l’asphalte dur sous mes pieds. De plus, mon médecin m’a averti que marcher régulièrement à (presque) pieds nus sur le pavé était préjudiciable pour la colonne vertébrale. Mes itinéraires urbains se sont transformés depuis en une sorte de circuit sautillant inconscient, d’une île d’herbe et terre à une autre – si vous me voyez, vous savez maintenant pourquoi.

Il s’avère que ‘plus de terre et moins d’asphalte’ n’est pas seulement bon pour le dos des porteurs de chaussures ‘barefoot’. Les surfaces pavées – telles que les parkings et la plupart de nos rues et espaces urbains – contribuent à augmenter le risque d’inondation et la pollution des eaux pluviales en empêchant la pluie de pénétrer dans le sol. L’eau de pluie transporte des polluants urbains toxiques vers les rivières et les lacs locaux, dégradant considérablement la qualité de l’eau et les habitats environnants. Le pavement des chaussées réchauffe également les villes – avons-nous besoin de plus de ça? – à cause de ce que l’on appelle «l’effet d’îlot de chaleur«. Enfin, l’asphalte entrave la nécessaire connexion des personnes en milieu urbain avec le monde naturel dont nous faisons tous partie.

Depave, une organisation à but non lucratif basée à Portland (Oregon, États-Unis), transforme les «lieux surpavés» pour «permettre aux communautés de surmonter les injustices sociales et environnementales et de s’adapter au changement climatique grâce au reverdissement urbain». Ayant commencé en tant qu’initiative de quartier en 2008, ils ont été le fer de lance du mouvement de «dépavage», qui fait référence à l’acte d’enlever le pavé et de libérer le sol en dessous. Cela rétablit l’équilibre des écosystèmes : le remplacement de la chaussée par des plantes, des arbustes et des arbres indigènes aide à reconstituer les eaux souterraines et à créer des lieux de vie pour la faune locale, ainsi qu’à rafraîchir et embellir les quartiers. Un angle important de l’organisation est que le dépavage doit être pour et par les gens. Proposant un service d’accompagnement pour les projets de dépavage communautaires – autour d’une école, d’un parc public ou d’un hôpital, par exemple – ils partagent également de nombreuses ressources gratuites pour favoriser une pollinisation autonome de cette pratique, comme une guide de dépavage DIY

Depuis une perspective similaire, et tirant en effet son inspiration initiale des pratiques de Portland, l’initiative Depave Paradise de l’organisation canadienne Green Communities promeut le dépavage « à la main » comme moyen de relier les gens entre eux et à leur quartier, leur donnant un sentiment d’appartenance à leur communauté. Bien que certains équipements lourds et services spécialisés puissent parfois être nécessaires, le dépavage de base peut être effectué à l’aide de pelles, de brouettes et de leviers. En le faisant à la main, les outils nécessaires restent donc accessibles à n’importe quelle communauté, introduisant ainsi une approche ‘low tech’. Le concept fait référence à un large éventail de pratiques, voire de modes de pensée, qui utilisent des techniques et des technologies à la fois utiles, accessibles et durables (ce qui peut impliquer d’utiliser en fait moins de technique et plus de partage). 

Autre qu’au Canada, l’activité de Depave a été reproduite dans un réseau international à travers des villes aux États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni. Mais il y a du dépavage au-delà de la Commonwealth. Les Pays-Bas semblent être une sorte de « champions de la libération des sols ». Dans sa troisième édition, le concours NK Tegelwippen demande à des dizaines d’autorités locales néerlandaises de remplacer par de la verdure autant de dalles de trottoir que possible. Et dans la métropole de Buenos Aires, le projet Calles Verdes a pour but de dépaver environ 20 000 mètres carrés dans plusieurs zones et rues.