De la crise du logement, les communs, l’habitation coopérative, Barcelone, la Suède… ouf!

Alors que le modèle d’habitation coopérative a une longue tradition dans certaines régions au monde, comme le Québec et le Canada, le Nord de l’Europe ou l’Uruguay en Amérique Latine; dans d’autres, c’est un phénomène plutôt émergeant. C’est le cas de la Catalogne, où surtout la ville de Barcelone a vu cette forme de cohabitation croître depuis une dizaine d’années. Des chercheurs, tel que Vidal (2018) dans une publication du think tank CIDOB (Barcelona Centre for International Affairs), observent un parallélisme entre la promotion de ces coopératives d’habitation et les croissantes difficultés d’accès à un logement abordable dans la capitale catalane. Ce ‘problème du logement’ – qui est d’ailleurs global – serait intimement lié aux fonctions « incompatibles » des bâtiments d’habitation, puis qu’ils ont en même temps des valeurs d’usage (résidence) et, en profond détriment de l’antérieur, d’échange (lucre). La provision de logement publique en location ayant également ses propres défis, ce qui a provoqué leur déclin globalement, les modèles coopératifs d’habitation seraient particulièrement intéressants en tant que alternatives non marchandes et autonomes. Elles se situeraient, donc, sous le paradigme du ‘commun’, caractérisé par des penseurs comme Dardot et Laval comme « l’activité pratique des hommes » qui rend les choses communes ou publiques non étatiques, hors donc tant de l’appropriation par le marché que par l’État.

Dans de nombreuses villes refait surface un intérêt pour des modèles d’habitation qui suivent cette logique centrée sur l’usage (non sur la propriété), et sur le collectif (non sur l’État) – coopératives d’habitation, associations d’habitation, habitat collaboratif, habitat communautaire ou encore cohabitation, toutes-elles font appel à ce modèle. Il est à noter cependant que, surtout parmi les coopératives d’habitation sous des cadres légaux de plus longue date, il peut exister toujours le risque de devenir une autre forme de propriété et de financiarisation du logement – tendance assez habituelle par exemple en Suède, où, si bien son important secteur d’habitation coopérative peut limiter des spéculations autour des loyers (obligation de résidence pour ses membres), il fonctionne après tout, suite aux dérégulations, sur un système d’achat et vente des droits d’usage aux prix du marché (ou presque). 

En face de ça, il devient d’autant plus important de continuer le support et l’innovation autour de ces expériences, afin qu’elles puissent réaliser une réelle contribution à la transition socio écologique des villes. Par exemple, compte tenu que les processus internationaux mentionnés de privatisation ou de marchandisation de l’habitation coopérative sont promus parfois par les États et mis en œuvre par les usagers eux-mêmes, une innovation à considérer est celle de doter au secteur du logement coopératif de leur propre institutionnalisation alternative (des méta-communs?). En Allemagne, l’organisation de deuxième degré Mietshäuser Syndikat, conserve un droit de veto sur les prix de ses projets de logement affiliés. Un autre angle d’actuation, plus technique, réside en intégrer aux logements coopératifs des éléments également collectifs au niveau de l’utilisation d’énergie et des ressources. L’organisation Sostre Civic en Catalogne profite de la construction ou de la réhabilitation complète d’un bâtiment pour des nouvelles coopératives d’habitation pour y installer des systèmes de réutilisation des « eaux grises » (des éviers ou des douches) pour servir les seaux des toilettes et l’arrosage des plantes. La pratique, souligne l’organisation dans un reportage de la télévision publique catalane, doit être collective : au-delà des usagers individuels, mais aussi à l’échelle de la ville et donc en coordination avec l’administration publique et les entreprises fournisseuses de l’eau.

Pour en savoir plus sur l’équilibre entre le soutien public nécessaire pour l’émergence et reconnaissance de ce type d’initiatives ‘des communs’, et leur également importante autonomie, veuillez consulter par exemple la documentation du Collectif de Recherche sur les Initiatives, Transformations et Institutions des Communs (CRITIC).